« L'une des plus grandes leçons que j'ai apprises au fil des ans est de ne pas prétendre que j'ai toutes les réponses. « Ensemble nous pouvons trouver les réponses. »
Pour Patrick Côté, ce qui compte, c'est de trouver les bonnes réponses pour le bien de son groupe.
Et non de savoir qui, au sein du groupe, est responsable de ces réponses.
« Je crois sincèrement que tirer le meilleur des gens ne veut pas dire les mettre au pied du mur pour obtenir le maximum d'eux chaque jour », dit le tacticien qui est à la tête de l'équipe canadienne de rugby en fauteuil roulant en quête d'une place sur le podium aux prochains Jeux paralympiques qui se tiendront à Paris en août.
« Oui, la peur est efficace. C'est une stratégie. Depuis longtemps. Mais elle ne dure pas.
« Vous pouvez probablement tirer un peu plus de quelqu'un pendant une très courte période si vous pressez le citron. Mais ce que ça fait, c'est créer un épuisement professionnel et toutes sortes de problèmes de santé mentale.
« Je n'y crois pas. Je n'y ai jamais cru. En général, si nous faisons les choses correctement, nous obtiendrons toujours le meilleur des gens.
« L'une des plus grandes leçons que j'ai apprises au fil des ans est de ne pas prétendre que j'ai toutes les réponses.
« Ensemble nous pouvons trouver les réponses. »

Trevor Hirschfield, entraîneur de haute performance pour les sports en fauteuil roulant de la Colombie-Britannique et Rugby en fauteuil roulant Canada, considère que la volonté de Patrick Côté d'écouter, de s'adapter et de mettre en œuvre les commentaires est l'une de ses plus grandes forces dans ce rôle.
« Patrick n'a pas peur de demander de l'aide. Il n'a pas peur de dire : « Est-ce que je vois les choses de la bonne façon ? Qu'est-ce qui m'échappe ? » Les personnes sûres d'elles sont capables de le faire. Il s'appuie sur certains des joueurs les plus expérimentés pour leur soumettre des idées et élaborer des stratégies. C'est un entraîneur de joueurs, ce qui le rend accessible ; les gens se sentent vraiment à l'aise avec lui.
« En tant qu'athlète, quand vous sentez que vous êtes apprécié et que vous n'êtes pas simplement un pion dans ce que l'entraîneur veut faire, si vous faites partie de l'équipe en termes de stratégie, ça aide n'importe quel athlète à s'impliquer.
« Je pense que ça l'a considérablement aidé. Il est toujours prêt à apprendre et à chercher de l'aide, ce qui favorise son développement et lui permet de ne pas rester sur place.
L'une de ces précieuses voix de vétérans à laquelle Hirschfield fait allusion est, bien sûr, Zak Madell, le joueur vedette du Canada, bientôt trois fois paralympien, médaillé d'argent aux Jeux de Londres en 2012 et MVP des Championnats du monde de rugby en fauteuil roulant en 2014.
« Il n'y a pas d’ego », dit Madell à propos de Côté. « Il y a une franche communication entre lui et tous les athlètes, ce qui suscite le respect. Il tend la main et utilise les idées et les commentaires des joueurs plus expérimentés pour s'assurer qu'il est le meilleur entraîneur possible et que l'équipe est la meilleure possible.
« Sans vouloir parler pour lui, il a admis qu'en tant que personne valide, il n'avait jamais joué au rugby en fauteuil roulant. Il y a donc certaines petites choses techniques/tactiques pour lesquelles il s'appuie un peu sur nous parce qu'il n'a pas d'expérience pratique ».
Côté estime que son expérience en basketball, son exposition à différents sports et son long parcours dans le rugby en fauteuil roulant, en route vers le poste d'entraîneur-chef, l'ont certainement aidé. Les deux sports, souligne-t-il, sont des sports pratiqués sur un terrain qui présentent de nombreuses similitudes.

« Le revers de la médaille, c'est que je n'ai jamais pratiqué ce sport », admet-il. « Je l'ai essayé un peu pour m'amuser, mais jamais à un haut niveau. Je ne suis pas en fauteuil roulant. Il m'a donc fallu plus de temps pour acquérir les petites subtilités techniques telles que le positionnement exact, parce que j’ignore ce que je ne sais pas.
« Je ne sais pas, par exemple, ce que c'est que d'être assis dans un fauteuil et d'être frappé sans stabilisation. Qu'est-ce que ça veut dire en termes de déplacement ? J'ai donc dû m'entourer de personnes qui avaient cette expérience, qui possédaient ces connaissances.
« J'ai réussi à le faire en grande partie. Et d'ailleurs, qui mieux que l'athlète lui-même pour répondre à ces questions.
« Alors, je pose les questions ».
Entraîneur-chef de l'équipe nationale senior depuis mars 2017, Côté a mis à profit une dizaine d'années d'expérience en tant que touche-à-tout au sein du programme pour occuper le poste principal. Dès sa sortie de l'école, entraîneur de basketball par expérience, il a commencé à travailler comme coordonnateur sportif pour l'Association québécoise du sport en fauteuil roulant, puis a assumé des fonctions de gestionnaire pour l'équipe nationale senior de rugby avant les Jeux paralympiques de Londres et de Rio de Janeiro, apportant son aide dans les domaines de l'analyse et de la vidéo, du conditionnement physique et de l'entraînement, avant d'être nommé entraîneur-chef intérimaire en novembre 2016. Quelques mois plus tard, il a été promu à la tête du programme.
« En dehors du sport, il est capable de créer une partie privée de sa vie », déclare Hirschfield. « Ça lui appartient et c'est sain pour lui aussi. Mais en ce qui concerne les athlètes, il est engagé à fond. Il veut les aider à s'améliorer, c'est pourquoi il a des conversations importantes avec eux - ce qu'il voit, ce qu'il pense qu'ils doivent améliorer et ce qu'ils font bien. C'est important pour les personnes qui essaient de se dépasser. Les athlètes qui travaillent fort et qui n'obtiennent peut-être pas ce qu'ils attendent en termes de rétroaction peuvent perdre la passion ou se déconnecter.
« Je pense qu'il a fait un excellent travail en se penchant sur les différentes personnalités des athlètes, sur leur façon d'apprendre, de réagir aux choses et de les aborder ».
Le fait d'être un programme décentralisé comporte son lot de défis. Madell, par exemple, s'entraîne actuellement à Victoria avec deux coéquipiers.
« Je pense que c'est bon pour la culture générale de l'équipe, de ne pas être loin de sa famille et de ses amis et d'être obligé de vivre ailleurs », explique-t-il. « Il nous est déjà arrivé d'avoir des camps d'entraînement prolongés. Si nous sommes ensemble pendant trop longtemps, les personnalités commencent à s'opposer ou les choses deviennent un peu tendues.
« C'est sans rancune, ce n’est que la réalité. Nous passons trop de temps ensemble et nous ne parvenons pas à trouver un équilibre entre nos deux vies ».
Il ajoute que ce qui facilite les choses d'un point de vue compétitif, c'est d'avoir un entraîneur aussi bien préparé que Côté.
« Pat est l'exemple parfait du professionnalisme », affirme-t-il. « Il est toujours prêt à faire un effort supplémentaire. Si vous avez besoin de plans d'entraînement, de plus de répétitions pour travailler sur vos propres compétences, il se fera un plaisir de vous fournir des éléments supplémentaires, une liste de programmes spécialisés, pour que vous puissiez travailler dessus.
« Il suffit d'un courriel ou d'un coup de téléphone pour qu'il s'occupe de vous.
« Il y a un respect mutuel. Il respecte notre temps et nous respectons le sien, il y a donc une véritable symbiose ».

La notion d'appropriation de la part des joueurs est essentielle dans la philosophie d'entraînement de Côté.
« Je ne me considère pas nécessairement comme un motivateur », avoue-t-il. « Je ne suis pas du genre à faire beaucoup de bruit. Donc, chaque fois que nous avons besoin de ça pour - pardonnez-moi l'expression - leur mettre le feu aux fesses, j'ai un peu plus de mal à y parvenir.
« En revanche, si j'ai un groupe engagé et motivé, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour répondre aux besoins. Ce qui peut être un défi, une rétroaction difficile ou une simple tape dans le dos.
« Pour moi, cette démarche permet aux athlètes de prendre en charge leur propre parcours. C'est ce qu'il faut faire. Parce qu'en fin de compte, ce sont eux qui feront les jeux, qui prendront les décisions.
Le Canada s'est qualifié pour Paris en août dernier grâce à une victoire de 58-41 sur l'Allemagne en demi-finale d'un tournoi de qualification en Nouvelle-Zélande.
Côté et son équipe ont manqué de peu la médaille d'or, s'inclinant en prolongation 49-48 contre l'Australie, actuellement classée numéro un, lors du dernier match, ce qui fut déchirant mais bénéfique pour la confiance de l'équipe.
Madell estime que le Canada est en bonne position.
« Dans l'ensemble, l'atmosphère, la chimie et la culture de l'équipe sont des choses sur lesquelles nous avons vraiment travaillé », souligne-t-il. « Et c'est en grande partie grâce à Pat, qui s'est surpassé, qui a suivi des cours de perfectionnement pour passer à un niveau supérieur en tant qu'entraîneur. »
Le tournoi paralympique, la plus importante manifestation imaginable, se déroulera dans le Grand Palais Éphémère, au centre de la ville, avec ses 8 300 places.
« Tout est très proche. Nous y sommes presque. Mais nous continuons à nous améliorer, à apprendre, afin d'être au mieux de notre forme à Paris, lors du plus grand spectacle. »

